« Mort aux vaches ! Mort aux lois ! Vive l’anarchie ! »
(Hécatombe, disque 1, Edition Intersong-Paris 1952 )
BRASSENS LIBERTAIRE
L’EPOQUE DETERMINANTE
Le 21 mars 1944, G.Brassens est accueilli chez Jeanne le Bonniec et Marcel Planche son mari, au 9 de l’impasse Florimont dans le XIV arrondissement de Paris, là où les Allemands et la police auront du mal pour le retrouver après sa «désertion» du camp de Basdorf en Allemagne, où il devait accomplir comme 100.000 Français, le Service Du Travail Obligatoire (STO). Il venait de signer, sans le savoir un bail de 23 ans avec ses logeurs, et un bail à vie avec ce quartier…..
Très peu de gens, sinon des copains d’enfance, ont côtoyé le Brassens du début de « l’impasse ».Emile Miramont, dans un de ses ouvrages, relate…« Ce poète en herbe de 23 ans, sans argent, le strict minimum pour se vêtir, vêtements en lambeaux, en un mot misérable, meurtri, en proie au doute, foncièrement individualiste, s’endormant la faim au ventre, vivant dans un lit cage humide, sans chauffage, trouvera dans cette précarité matérielle, un terrain favorable à la pensée anarchiste ». Sa culture dut impressionner ses nouvelles relations, qui lui ouvrirent les colonnes du « Libertaire »
LES RENCONTRES
Les rencontres faites de 1944 à 1950,furent déterminantes.
Louis Lecoin ( 1881/1971).Anarchiste de la première heure, défenseur de l’objection de conscience, totalisant 12 années de prison, gréviste de la faim, il co-fondera l’union pacifiste de France.
Émile Miramont Membre incontournable de la bande de Sète, il « montera » à Paris en 1946, habitera à l’impasse en 1948. Il rencontre Toussenot, qu’il retrouvera en 1951 à Lyon. En 1947, il tentera avec Brassens, Larue, et quelques Anarchistes du XIV arrondissement, de lancer un journal: « Le cri des gueux », sans succès. Sa signature au « Libertaire », sera celle de Gilles Colin
Jeanne le Bonniec (1891/1968) et Marcel Planche (décédé en 1965) Ce sont bien entendu, « La Jeanne » et « L’auvergnat », héros de ces deux chansons mythiques, écrites et composées par Brassens en reconnaissance à ses logeurs. On trouve les noms de ce couple, dans la liste des participants au Libertaire
André Larue Après une période à « France soir », il devint rédacteur en chef de « France dimanche ». Il fit partie de la chambrée Basdorf en Allemagne, et retrouvera Brassens au fond de l’impasse,partageant avec lui sa vie de bohême. En 1970, il publie chez Fayard: « Brassens ou la mauvaise herbe »
Henri Bouyé Secrétaire général de la Fédération Anarchiste jusqu’en 1948, fréquente l’impasse, et crée en 1967, « L’Union fédérale anarchiste ».Fleuriste de son métier, c’est lui qui proposera à Brassens de devenir le correcteur non rémunéré du Libertaire, et le mettra en relation avec le célèbre chansonnier Jacques Grello.
Dans le Libertaire de 1971, nouvelle série, N°6 , Henri Bouyé et Georges Fontenis écrivent : «…Un jour au courrier, entre autres articles, nous en trouvâmes un, non signé, remarquablement bien écrit, traitant avec un humour féroce, des variations de comportement propres à un policier conscient de la dignité de sa fonction……Nous décidâmes de le publier. Le lendemain de la mise en vente du journal,nous vîmes arriver au bureau, un gaillard tout souriant et étonné. Il ne pensait pas que quelqu’un pût publier un papier semblable, car bien trop incisif. Telle fût l’entrée en matière entre Brassens et les Anarchistes. C’est à la suite de ce premier contact, que G. Brassens voulut bien nous fournir des articles qui ne démentirent jamais la richesse de sa plume. Un beau jour, il fut désigné comme Secrétaire de Rédaction, mais vint un moment où il décida de cesser toute collaboration.
Nous tenons à souligner car le cas est rare, que Georges malgré la promiscuité due à son métier, malgré les succès monstres qu’il a connus(….) est resté toujours le même. Il n’a jamais été gagné par le cabotinisme, c’est là le propre d’une personnalité comme on en voit peu dans son milieu professionnel. »
Marcel Lepoil présent à l’impasse en 1947, il est sous le front populaire, représentant de la Confédération Nationale du Travail, au sein de la SIA ( Solidarité Internationale Antifasciste)
Armand Robin (1912/1961) Collaborateur au Libertaire, mais aussi à « Nouvelle Revue Française », poète multilingue et traducteur, il travaille pour le ministère de l’information. Il dialoguait avec Brassens de poésie des heures durant. D’après Émile Miramont, il parlait plus de 20 langues y compris le russe, le chinois. Il traduisait les voix du monde entier, pour des journaux et des ambassades. Il fut retrouvé mort dans des conditions suspectes.
Marcel Renot ( 1896/1973) Membre de la Fédération Anarchiste du XIVème arrondissement, artiste peintre, il habite un atelier à Montparnasse ou Brassens se rend régulièrement
Roger Toussenot (1926/1964) Ami d’Abel Gance, il se voue à l’écriture de ses « fragments ». Brassens l’implique dans le projet du « Cri des gueux », et le surnomme « le Huon de la Saône » Leur rencontre aura lieu quai de Valmy, au siège du Libertaire, en 1946, rencontre entre un philosophe et un futur poète…De cette grande et pure amitié libertaire, naîtra une riche correspondance de Georges à Roger , d’octobre 1946, à mai 1952.Brassens alors rédacteur au Libertaire, propose à la direction qui les refuse, des articles de Toussenot. N’appréciant pas cette « censure », il quitte définitivement le journal en janvier 1947.
Lettre à Toussenot du 2 octobre 1946: « ….Il ne faut pas m’en vouloir. Ce n’est pas ma faute si la semaine dernièretes articles sur Mauriac et Raimu ont été évincés. J’avais l’intention bien arrêtée de les passer….
« Fragments » de Toussenot (1956?) « …A travers ce siècle de crétins qui profitent du fait que la chanson est devenue exagérément un genre littéraire, les seuls- et très rares vrais chanteurs dignes de considération sont évidemment des poètes, des continuateurs lyriques, des espèces de compositeurs intuitifs et bricoleurs, tels que Carco,,Trenet, Ferré, et au dessus de tous, Brassens. En toute diversité, ils constituent un héritage de Villon, de Marot, de Ronsard, de Verlaine, et de Jammes. Mais Brassens et le plus seul, il est le classique, le traditionaliste, qui fait bande à part. A la porosité d’une nature poétique, à une vibration interne, à une culture des mots et à une curieuse vocation à la tristesse, il applique un rythme étrange et une sorte de géométrie infiniment subtile de l’intervalle… »
« Fragments » de Toussenot, mars 1954 « …Que Brassens soit un grand poète, sa célébrité actuelle ne saurait me l’apprendre. (…) Jamais homme vivant et lyrique abstrait ne m’a autant bouleversé. Il est seul. Cette voix étrange contient toute la richesse tragique et profonde de Villon, la pitié philosophique de Shakespeare, et l’ardente poésie du sentiment anarchiste. Cet homme qui chante la révolte est un doux, ce pur poète,si dignement dépouillé, est une conscience… »
Ajoutons à ces noms Raymond Asso - Maurice Joyeux - Jacques Grello
JOURNALISTE - MILITANT - DEMISSIONNAIRE
La fin de son militantisme n’empêchera pas Brassens d’offrir le plus souvent possible des galas au profit du monde libertaire. Il conservera des liens fraternels avec l’ensemble des collaborateurs, correspondra avec Toussenot jusqu’en 1952, mais s’interrogera, se réfugiera dans le scepticisme, essaiera de trouver une vraie définition à l’anarchie, se contentant de penser que c’est une façon de concevoir la vie, et qui accorde une priorité à l’individu.
LISTE DES ECRITS LIBERTAIRES DE GEORGES BRASSENS
Travaux et recherches effectués entre 2001 et 2004.
Consultations des archives du CIRA ( Centre International de Recherches sur l’Anarchisme) et entretiens avec les Anarchistes de Marseille.
Documents originaux issus des journaux, Le Libertaire et Le combat syndicaliste.
(Collection particulière PL **)
L‘anonymat étant de règle à cette époque, Georges Brassens a signé ses articles sous un les pseudonymes suivants : Géo Cédille - Georges Charles - Charles Brenss - Gilles Colin - Charles Malpayé - GC - Georges - Pépin Cadavre ( ?)
Les archives du « Libertaire » nous révèlent qu’on peut attribuer à G. Brassens, 26 articles non signés, parus entre le 28 juin 1946, et le 15 novembre 1947.
« …J’ai milité vers l’âge de 23/24 ans ; c’est surtout la morale anarchiste qui était la plus proche de celle que je croyais, de ce que je pensais : un goût de la liberté, un refus de l’armée, de l’autoritarisme, un refus de la loi, le besoin pour l’homme de gérer ses affaires lui-même »
( Entretien de G. Brassens pour une télévision Canadienne en 1974)
« Le chemin du calvaire »
(Paru dans « Le Libertaire » du 6 septembre 1946)
« Au pèlerinage de Lourdes ( Chez les marchands de foi) »
(Paru dans « Le Libertaire » du 13 septembre 1946)
« Vilains propos sur la maréchaussée » **
( Paru dans « Le Libertaire » du 20 septembre 1946)
« Les pédagogues et l’idée de patrie » **
( Paru dans « Le Libertaire » du 20 septembre 1946)
« Avec les artisans des lendemains qui chantent » **
( Paru dans « Le Libertaire » du 27 septembre 1946)
« Le hasard s’attaque à la police » **
( Paru dans « Le Libertaire » du 27 septembre 1946)
« Un voyou respectable : François Villon »
( Paru dans « le Libertaire » du 27 septembre 1946
« Inconvénients et avantages de l’automne »
( Paru dans « Le Libertaire » du 4 octobre 1946)
« Au sujet de la bombe atomique (Suggestions à un général américain)
( Paru dans « Le Libertaire » du 4 octobre 1946)
« M.Tillon mendie des voix »
( Paru dans « Le Libertaire » du 4 octobre 1946)
« Les remèdes souverains »
( Paru dans « Le Libertaire » du 4 octobre 1946)
« Épinal, Nuremberg : sur deux faits importants »
( Paru dans « Le Libertaire » du 4 octobre 1946)
« Le mauvais exemple des nations »
( Paru dans « le Libertaire » du 4 octobre 1946)
« La mort s’en va en guerre contre les gendarmes »
( Paru dans « Le Libertaire » du 11 octobre 1946)
« Quand les bas bleus voient rouge »
( Paru dans « Le Libertaire » du 11 octobre 1946)
« Le patriotisme exerce ses ravages »
( Paru dans « Le Libertaire » du 18 octobre 1946)
« Aragon a-t‘-il cambriolé l’église de Bon-Secours ? » **
( Paru dans « Le Libertaire » du 18 octobre 1946)
« Idée de patrie - Bouée du capitalisme » **
( Paru dans « Le Libertaire » du 18 octobre 1946)
« Les policiers tirent en l’air, mais les balles fauchent le peuple » **
( Paru dans « Le Libertaire » du 18 octobre 1946 - A noter 2 articles de Roger Toussenot en 3ème page, « Réflexion d’opposition » et « L’art est en deuil » …Raimu est mort. )
« Qu’attend la masse pour se soulever ? » **
( Paru dans « Le Libertaire » du 18 octobre 1946)
« A propos de François Villon : Le Libertaire fait amende honorable. » **
( Paru dans « Le Libertaire » du 18 octobre 1946)
« Ils ont des yeux et ne voient pas »
( Paru dans « Le Libertaire » du 1er novembre 1946)
« Le scandale de la justice »
( Paru dans « Le Libertaire » du 1er novembre 1946)
« Les grandes résistances . Mais oui, mon capitaine ! »
( Paru dans « Le Libertaire » du 8 novembre 1946)
« Critiques Littéraires »
( Paru dans « Le Libertaire » du 15 novembre 1946)
« A quand les exécutions d’otages ? »
( Paru dans « Le Libertaire » du 15 novembre 1946 )
« Le Caveau de la République : Triomphe de Raymond Asso » **
( Paru dans « Le Libertaire » du 29 novembre 1946 - A noter un article signé RT (Roger Toussenot) , « La symphonie pastorale » )
« La chanson » **
( Paru dans « Le Libertaire » du 12 juin 1947)
« La démocratie syndicale chez Renault » **
( Paru dans « Le Libertaire » du 12 juin 1947)
« Trois petites lettres » **
( Paru dans « Le combat syndicaliste » avril 1947)
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